Paillage à base de cheveux : réelle opportunité, ou courant infondé ?

Le jardinage, loin d’être une simple activité de détente, se révèle être un art combinant à la fois connaissances, patience et innovation. Au cœur de cet art se trouve le concept du paillage, une technique ancestrale qui vise à protéger, enrichir et embellir le sol de nos précieux jardins. Le paillage a pour principale mission de couvrir le sol d’une couche protectrice, qu’elle soit organique ou minérale, pour en optimiser les propriétés.

Dans la vaste palette des matériaux utilisés à des fins de paillage, il existe une alternative singulière qui suscite aujourd’hui l’intérêt : le paillage à base de cheveux. Étonnant, n’est-ce pas ? Si l’idée peut sembler originale, voire incongrue au premier abord, elle repose néanmoins sur certains fondements qui méritent d’être explorés… Sans pour autant être exempt d’inconvénients.

Alors, pourquoi et comment utiliser des cheveux comme paillis ? Quels avantages et inconvénients présente cette méthode ? Dans les lignes qui suivent, nous allons démystifier cette approche, en plongeant au cœur de ses spécificités, tout en la comparant à d’autres techniques de paillage bien établies.

A la fin de cet article, l’objectif est que vous sachiez si, oui ou non, il y a un intérêt, pour vous et chez vous, à avoir un paillage à base de cheveux, plutôt qu’un des autres matériaux traditionnels.

Le paillage à base de cheveux, c’est quoi ? 

Origines et histoire

Le paillage à base de cheveux est loin d’être une invention récente. En réalité, diverses cultures à travers le monde ont, depuis longtemps, reconnu les propriétés bénéfiques des cheveux pour la terre. Dans certaines traditions anciennes, les cheveux étaient même considérés comme un lien entre le cosmos et la terre, un symbole de fertilité et de vitalité. Si leurs utilisations premières étaient davantage symboliques ou rituelles, les agriculteurs ont rapidement constaté leurs bienfaits tangibles sur la santé des sols et des cultures.

En Europe, par exemple, des récits anciens évoquent l’usage des cheveux pour renforcer et nourrir les sols. En Asie, des traditions similaires ont été observées. Ces pratiques, bien que marginales, se sont transmises de génération en génération, mais elles ont été quelque peu éclipsées par des méthodes plus industrielles au fil du temps.

Collecte, préparation et application

De nos jours, le regain d’intérêt pour les méthodes écologiques et durables a remis cette pratique sous les feux de la rampe. Mais comment s’y prendre concrètement ?

Collecte : La première étape est la collecte des cheveux. Celle-ci s’effectue principalement auprès des salons de coiffure qui, chaque jour, se débarrassent d’importantes quantités de cheveux coupés. Certains jardiniers amateurs font également appel à leur entourage, transformant cette initiative en action communautaire.

Préparation : Avant d’être utilisés, les cheveux sont généralement nettoyés pour éliminer les résidus de produits chimiques. Ensuite, ils peuvent être séchés au soleil, afin de garantir une meilleure conservation et de faciliter leur manipulation.

Application : Quant à la pose, elle s’apparente à celle des autres types de paillage. Il s’agit de recouvrir la terre d’une fine couche de cheveux suffisante pour créer une bonne isolation thermique du sol (protection contre la chaleur, le froid, et les brusques écarts de température). Les cheveux peuvent également être mélangés à d’autres matériaux de paillage pour améliorer leur intérêt.

Les propriétés du paillage à base de cheveux

Capacité d’absorption de l’eau

Les cheveux humains possèdent une capacité d’absorption de l’eau remarquable. Une mèche de cheveux peut retenir une quantité d’eau allant jusqu’à 30% de son poids sec. C’est en raison de cette propriété hydrophile que vous pouvez constater, après une douche ou une pluie, le poids important de vos cheveux mouillés. Dans le cadre du jardinage, cette capacité d’absorption offre l’avantage de bien retenir l’humidité.

La lente décomposition des cheveux

Un autre aspect fascinant des cheveux réside dans leur composition : ils sont principalement constitués de kératine, une protéine fibreuse robuste. Cette composition les rend résistants aux attaques de nombreux microorganismes présents dans le sol. En conséquence, leur décomposition est plus lente que celle de paillis organiques plus classiques. Si d’un côté cela garantit une durabilité plus importante du paillage cheveux, de l’autre, il libère de l’azote et d’autres nutriments essentiels au sol de manière très progressive, favorisant ainsi une nutrition longue durée des plantes.

La richesse des cheveux en azote

Les cheveux humains contiennent une quantité relativement élevée d’azote, qui est un des éléments essentiels pour la croissance des plantes. En moyenne, sur une base sèche, les cheveux peuvent contenir entre 14% et 16% d’azote (et un rapport C/N estimé entre 10 et 12). C’est une concentration en azote bien plus élevée que celle de nombreux autres paillis organiques. Cependant, il est important de noter que, comme les cheveux se décomposent lentement, l’azote qu’ils contiennent est libéré de manière très progressive dans le sol.

Ce qui est inhabituel pour un paillage riche en azote, car ceux-ci se décomposent habituellement rapidement.

En considérant ces propriétés, le paillage à base de cheveux montre de vrais intérêts, offrant à la fois des avantages et des défis spécifiques. Dans la prochaine section, nous explorerons plus en détail ces aspects.

Avantages du paillage à base de cheveux

Libération lente d’azote pour nourrir les plantes

Le premier et sans doute le plus notable des avantages est la richesse des cheveux en azote. Avec un pourcentage d’azote pouvant atteindre jusqu’à 16% en matière sèche, les cheveux surpassent de nombreux autres types de paillage en termes de teneur en azote. Mais là où cette caractéristique devient particulièrement intéressante, c’est dans la manière dont cet azote est libéré. Grâce à la robustesse de la kératine, principal constituant des cheveux, la décomposition est lente. Cela garantit une libération progressive de l’azote, fournissant ainsi une source durable de nutrition pour vos plantes.

Réduction de l’évaporation de l’eau grâce à la couverture du sol

Les propriétés hydrophiles des cheveux leur permettent d’absorber et de retenir l’eau. En couvrant le sol, ils aident à maintenir l’humidité, réduisant ainsi l’évaporation. Dans des conditions de chaleur et de sécheresse, cela peut s’avérer particulièrement bénéfique, assurant aux plantes un approvisionnement en eau plus constant et réduisant la nécessité d’arrosages fréquents. Même si une couche d’épaisseur suffisante demande une quantité considérable de cheveux, suivant la taille de la parcelle.

Empêchement de la croissance des mauvaises herbes

Comme tout bon paillage, les cheveux jouent également un rôle crucial dans la limitation des “mauvaises herbes”. En formant une couche sur le sol, ils empêchent la lumière d’atteindre de nombreuses graines de mauvaises herbes, inhibant ainsi leur germination. Cela signifie moins de concurrence pour vos plantes cultivées et, pour vous, moins de travail de désherbage.

Limitations du paillage à base de cheveux

Le paillage à base de cheveux, malgré ses avantages, présente également des limitations. Examinons ces défis de plus près pour permettre une évaluation équilibrée.

Possibilité de compactage inégal, permettant l’évaporation

Bien que les cheveux ne se compactent pas facilement, il peut toutefois y avoir des zones où ils se rassemblent ou s’entassent, créant des zones plus denses. Ces zones compactées peuvent inhiber l’infiltration de l’eau, conduisant à un ruissellement superficiel. En revanche, les zones moins denses peuvent permettre une évaporation plus rapide de l’eau du sol, réduisant ainsi les avantages en matière de rétention d’humidité.

Préoccupations esthétiques pour certains jardiniers

Le paillage à base de cheveux, bien qu’efficace à bien des égards, n’est peut-être pas le choix le plus esthétiquement plaisant pour tous. Les cheveux, une fois déposés sur le sol, peuvent donner une apparence inhabituelle au jardin, surtout lorsqu’ils commencent à grisonner sous l’effet du soleil et des intempéries. Pour certains jardiniers, l’apparence est tout aussi importante que la fonction, et cela peut rendre les cheveux moins attrayants comme option de paillage.

Le faible taux de matière organique apporté au sol

Qui dit décomposition lente, dit apports réduit pour le sol et sa vie. Il est peu probable qu’un paillage à base de cheveux suffit à entretenir la fertilité du sol. Et il faudra alors compléter avec des engrais (biologiques et organiques, si possibles).

La question des produits toxiques contenus sur les cheveux

Même si les cheveux suivent un lavage avant d’être utilisés en tant que paillage, difficile de dire si tous les résidus chimiques qui s’y trouvent (gel, laque, cire, couleur, …) seront évacués.

Et si ce n’est pas le cas, les conséquences pour le sol et sa vie pourraient être néfastes.

La difficulté d’approvisionnement, ou le prix élevé

Si vous voulez tester le paillage à base de cheveux, il y aura 2 possibilités : 

• Se débrouiller pour récupérer des quantités suffisantes de cheveux dans les salons de coiffure (pour une couverture suffisante d’un potager, il en faudra des quantités considérables), ce qui n’est pas si simple.

• Acheter des paillis à base de cheveux, comme les paillis de chez Capillum. Mais cela revient vite à très très cher, surtout pour un potager (surtout sachant que d’autres paillis intéressants sont eux gratuits).

Comparaison avec d’autres paillages courants

L’univers du paillage est vaste et varié, chaque option ayant ses propres mérites et inconvénients. Afin de mieux saisir la place du paillage à base de cheveux dans ce spectre, penchons-nous sur une comparaison avec d’autres paillages couramment utilisés.

Paillage de paille

Avantages : La paille est reconnue pour sa capacité à retenir l’humidité, fournir une isolation thermique efficace, tout en étant très peu chère et facilement disponible.

Décomposition : Contrairement aux cheveux, la paille se décompose plus rapidement, fournissant ainsi une source organique précieuse pour enrichir le sol. Cependant, la paille est carbonée, et les bactéries du sol devront piocher dans les réserves de ce sol pour sa décomposition, ce qui peut résulter sur la création d’un effet de faim d’azote, notamment au début du printemps.

Paillage de foin

Avantages : Le foin est selon moi le meilleur paillage pour un potager : il offre une excellente rétention de l’humidité au sol et isolation thermique, et est relativement bon marché et facilement accessible. Surtout, c’est un paillage équilibré (rapport C/N compris entre 20 et 30), et enrichi fortement le sol, tout en étant une nourriture de choix pour les vers de terre (riche en cellulose).

Inconvénients : Le foin peut parfois contenir des graines de “mauvaises herbes”, ce qui peut augmenter leur prolifération dans le jardin. Il est aussi un peu plus cher que la paille, et un peu moins facilement disponible que cette dernière.

BRF : Bois Raméal Fragmenté

Avantages : Le BRF, composé de jeunes rameaux broyés, enrichit fortement le sol en matière organique tout en améliorant sa structure. Il offre également une bonne rétention d’humidité et prévient l’érosion.

Influence sur le sol : Le BRF, lors de sa décomposition, peut temporairement immobiliser l’azote du sol, rendant nécessaire l’ajout d’une source d’azote pendant cette période. 

Paillage de feuilles

Avantages : Les feuilles mortes sont souvent abondantes à l’automne et fournissent un paillis gratuit et facilement accessible. Lorsqu’elles sont souples (feuilles de fruitiers), elles sont aussi équilibrées.

Décomposition : Les feuilles se décomposent généralement en une saison, ajoutant assez rapidement des matières organiques au sol. Cependant, tout dépend du type de feuilles : les feuilles coriaces (chêne, châtaignier, …) peuvent être bien plus longues à se décomposer, et sont carbonées. Aussi, les feuilles s’envolent, et il faudra trouver le moyen de les lester pour ne pas voir votre paillage s’envoler au premier gros coup de vent.

Paillage minéral (graviers, ardoises)

Avantages : Extrêmement durable, le paillage minéral ne se décompose pas avec le temps. Son aspect esthétique est prisé dans les jardins contemporains ou pour mettre en valeur certaines plantations. Ce type de paillage trouve ainsi son intérêt pour les massifs permanents, notamment ornementaux.

Inconvénients : Contrairement aux paillages organiques, il ne contribue pas à l’amélioration de la structure ou de la fertilité du sol. De plus, il peut retenir la chaleur, ce qui peut être préjudiciable pour certaines plantes en été. Ce n’est clairement pas le type de paillage à utiliser pour un potager.

Comment et quand utiliser le paillage cheveux ?

Utiliser des cheveux comme paillage est une démarche aussi novatrice qu’originale. Cependant, pour en tirer le meilleur parti, il est essentiel d’appliquer certaines pratiques recommandées. Examinons comment et quand il est préférable d’utiliser le paillage à base de cheveux.

Préparation du sol

Nettoyez le sol : Avant d’appliquer tout type de paillage, y compris les cheveux, assurez-vous que le sol est exempt de “mauvaises herbes” et de débris.

Arrosez le sol : Il est recommandé d’humidifier légèrement le sol avant d’appliquer le paillage pour assurer une bonne rétention d’humidité dès le début.

Épaisseur recommandée

Pour le paillage à base de cheveux, une épaisseur d’environ 3 à 5 cm est généralement recommandée.

Une couche trop épaisse pourrait empêcher une perméabilité adéquate de l’eau, tandis qu’une couche trop mince pourrait ne pas offrir les avantages souhaités en matière de rétention d’humidité ou de suppression des mauvaises herbes.

Conseils pour combiner les cheveux avec d’autres types de paillage

Cheveux et paillage organique : Les cheveux peuvent être combinés avec des paillages comme le foin ou le BRF.

Cela offre une décomposition graduée – le foin se décomposera plus rapidement, fournissant des nutriments au sol, tandis que les cheveux continueront d’agir comme barrière contre les mauvaises herbes et retiendront durablement l’humidité, même lorsque la couche de foin aura diminuée.

Cheveux et paillage minéral : Si vous êtes préoccupé par l’esthétique des cheveux, vous pouvez les couvrir avec une fine couche de paillage minéral, comme des graviers ou des pierres (recommandé uniquement pour un massif permanent). Cela offre les avantages fonctionnels des cheveux tout en gardant un aspect esthétiquement agréable.

Périodicité : Si vous choisissez de combiner les cheveux avec un autre paillage qui se décompose rapidement, comme le foin, il peut être nécessaire de réappliquer ce dernier périodiquement, tout en conservant la couche de cheveux en dessous.

Conclusion et avis personnel

La seule propriété véritablement original du paillage à base de cheveux est le fait qu’il est riche en azote tout en se décomposant lentement.

Mais selon moi, le seul espace où il peut être intéressant d’utiliser ce paillage, c’est pour des plantes en pot (citronnier, fleur, etc…), où ce léger apport continue d’azote pourrait se substituer aux engrais que l’on y ajoute parfois.

Pour un potager, il est tout d’abord très compliqué (ou extrèmement cher) de se fournir en une quantitié suffisante de paillage à base de cheveux.

Mais, ce qui me saute le plus aux yeux, c’est qu’il n’y a à mon sens AUCUN intérêt à substituer un paillage de foin (selon moi le meilleur paillage pour un potager) à un paillage à base de cheveux. A tous les niveaux, le foin me semble meilleur.

Mais j’ai conscience du fait que les contextes spécifiques de chacun ne peuvent être connus, et cet article a pour objectif de vous rendre autonôme pour une décision éclairée et réfléchie sur le sujet.

J’espère qu’il vous a plu.

Robin.

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